lundi 22 juillet 2019

Les marins de mon pays


Une ligne invisible semble séparer la mer et la terre. Elle sépare deux mondes qui se complètent, mais surtout qui s’opposent. L’espace marin a ses richesses, ses hommes et ses coutumes alors que l’espace terrestre dicte sa loi partout et surtout dans cette intervalle séparant les deux mondes. Lors de l’embarquement ou du débarquement, ce sont à la fois les lois de la nature et des hommes qui façonnent la vie des marins et celle de leurs soi-disant maîtres les armateurs.
Tout cela se cristallise dans cet espace frontalier que l’on nomme le port. C’est un monde à part où les espérances viennent se heurter à la dure réalité d’un métier qui peine à s’industrialiser, non pas faute de volonté politique, mais plutôt à force de faire prévaloir une logique bien ancrée dans les esprits des marins.
En ne voulant que la part pour récompense, ils nous rappellent les émigrants clandestins, animés par le désir de défier la frontière maritime pour débarquer dans un espace meilleur où, semble-t-il, certains droits élémentaires sont mieux protégés. Toutefois, les aléas climatiques, des mesures de plus en plus drastiques en matière de protection du patrimoine halieutique et de la biodiversité ont fini par anéantir tous les espoirs des marins. Comme les candidats à l’émigration clandestine, ils sont traqués à la fois en mer et en terre. Ils n’ont plus de place nulle part ailleurs.
Jadis respectés dans la société et affichant fièrement leur appartenance aux métiers de la mer, les marins de la pêche artisanale sont devenus aujourd’hui l’ombre de quelques personnages bien souvent marginaux dans la société. Ce qui est bien regrettable, car ce sont ces mêmes personnages qui alimentent à la sueur de leur front un secteur à fort potentiel et qui remplissent les poches des uns et des autres au terme d’une activité commerciale des plus florissantes dans notre pays. Bien plus, c’est un secteur qui n’a jamais connu de crise même durant les conjonctures mondiale et nationale les plus défavorables.
Nous étions interpellés par toutes ces vérités qui ne reflètent point la réalité des pêcheurs. Une réalité amère à bien des égards qui nous rappelle la réalité d’un autre type de travailleurs exerçant cette fois en terre une activité dont le chiffre d’affaires est astronomique, mais qui vivent pourtant dans la misère la plus totale. Il s’agit des agriculteurs de cannabis qui font la fortune des trafiquants de stupéfiants dans le monde entier, mais dont les conditions de vie sont à la fois très dures et compliquées, voire désespérées.
Comme ceux-ci, les marins servent du caviar aux plus nantis de la planète sans jamais avoir la moindre chance ni de goûter à ce plat, ni même de voir le fruit de leur récolte servi un jour. Quand et comment cette injustice serait-elle abolie ?
La réponse à cette question dépend de cette ligne qui sépare la mer et la terre. Elle doit être visible pour tous, en toute clarté, en toute transparence et en toute probité. Ce sont ces valeurs morales sublimes qui marieront la mer à la terre dans des noces organisées par les hommes de la terre pour les hommes de la mer afin de célébrer leur bravoure et leur faire prévaloir leurs droits légitimes à une vie plus décente.

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