Une ligne invisible semble séparer la mer et la terre. Elle
sépare deux mondes qui se complètent, mais surtout qui s’opposent. L’espace
marin a ses richesses, ses hommes et ses coutumes alors que l’espace terrestre
dicte sa loi partout et surtout dans cette intervalle séparant les deux mondes.
Lors de l’embarquement ou du débarquement, ce sont à la fois les lois de la
nature et des hommes qui façonnent la vie des marins et celle de leurs
soi-disant maîtres les armateurs.
Tout cela se cristallise dans cet espace frontalier que l’on
nomme le port. C’est un monde à part où les espérances viennent se heurter à la
dure réalité d’un métier qui peine à s’industrialiser, non pas faute de volonté
politique, mais plutôt à force de faire prévaloir une logique bien ancrée dans
les esprits des marins.
En ne voulant que la part pour récompense, ils nous
rappellent les émigrants clandestins, animés par le désir de défier la
frontière maritime pour débarquer dans un espace meilleur où, semble-t-il,
certains droits élémentaires sont mieux protégés. Toutefois, les aléas
climatiques, des mesures de plus en plus drastiques en matière de protection du
patrimoine halieutique et de la biodiversité ont fini par anéantir tous les
espoirs des marins. Comme les candidats à l’émigration clandestine, ils sont
traqués à la fois en mer et en terre. Ils n’ont plus de place nulle part
ailleurs.
Jadis respectés dans la société et affichant fièrement leur
appartenance aux métiers de la mer, les marins de la pêche artisanale sont
devenus aujourd’hui l’ombre de quelques personnages bien souvent marginaux dans
la société. Ce qui est bien regrettable, car ce sont ces mêmes personnages qui
alimentent à la sueur de leur front un secteur à fort potentiel et qui
remplissent les poches des uns et des autres au terme d’une activité
commerciale des plus florissantes dans notre pays. Bien plus, c’est un secteur
qui n’a jamais connu de crise même durant les conjonctures mondiale et
nationale les plus défavorables.
Nous étions interpellés par toutes ces vérités qui ne
reflètent point la réalité des pêcheurs. Une réalité amère à bien des égards
qui nous rappelle la réalité d’un autre type de travailleurs exerçant cette
fois en terre une activité dont le chiffre d’affaires est astronomique, mais
qui vivent pourtant dans la misère la plus totale. Il s’agit des agriculteurs
de cannabis qui font la fortune des trafiquants de stupéfiants dans le monde
entier, mais dont les conditions de vie sont à la fois très dures et
compliquées, voire désespérées.
Comme ceux-ci, les marins servent du caviar aux plus nantis
de la planète sans jamais avoir la moindre chance ni de goûter à ce plat, ni
même de voir le fruit de leur récolte servi un jour. Quand et
comment cette injustice serait-elle abolie ?
La réponse à cette question dépend de cette ligne qui sépare
la mer et la terre. Elle doit être visible pour tous, en toute clarté, en toute
transparence et en toute probité. Ce sont ces valeurs morales sublimes qui
marieront la mer à la terre dans des noces organisées par les hommes de la
terre pour les hommes de la mer afin de célébrer leur bravoure et leur faire
prévaloir leurs droits légitimes à une vie plus décente.
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