jeudi 29 août 2019

La profession de mari (Acte V)

Il a eu cet enfant. Il  a enfanté un second. Et puis, plus rien. Rien ne se profile à l'horizon. Ni nouveau-né, ni nouvelle chose ne vient plus gêner sa quiétude de mari et père. Il a su orchestrer ce coup de maître : un fils et une fille en 3 années de mariage. Il est comblé. Puis, rien ne vient plus, ni les enfants, ni le rizq censé les accompagner. Les comptes sont à sec! Les enfants sont maintenant à l'école. Bien sûr au privé. Qui voudrait encore de l'école publique? Il aurait bien voulu ne rien payer, mais bon tout le monde maintenant opte pour le privé. Lui et madame se sont mis d'accord: leurs enfants iront à l'école des "Génies", la meilleure et la plus chère de la ville. Mieux côtée, c'est vrai, mais à la performance hasardeuse. Ce sont quelques élèves d'exception qui font sa réputation en obtenant les meilleurs résultats. Comme l'école, notre ami se cache derrière ce statut de mari. Les résultats sont là : un foyer, une femme, deux enfants. Les temps sont durs, mais il y a  eu du changement. Internet permet de renflouer les caisses...Depuis quelque temps, il s'est lancé sur Avito. Il publie tout type d'annonces (voitures d'occasions, accessoires, produits cosmétiques, téléphones et tablettes, apparts, locations de vacances...). Il est devenu un agent d'affaires virtuel car en réalité il ne possède rien de tout cela et n'a pas reçu la moindre demande d'un éventuel vendeur, mais publie tout de même ces annonces et attend qu'un éventuel acheteur le contacte pour débuter la chasse aux affaires. Plus tard, il créa une chaîne Youtube. Il se voulait maintenant maître de l'art de faire des affaires. Il apprend vite le putaclic (gros titres accrocheurs). Il raconte à qui veut écouter comment réussir à gérer les affaires, comment gérer une famille. Mais en étant Youtubeur, il eut moins de réussite jusqu'au jour où il décida de mettre sa femme à contribution. Il commença par la filmer en train de préparer la "chabbakia", puis le couscous, le tagine et autres trucs avant de décider qu'il valait la peine de faire de la téléréalité. Le quotidien de la famille est passé sous la caméra du lever au coucher du soleil. Il s'arrête là. Il a de la fierté lui. Il ne peut pas faire comme ceux qui filment même les scènes sous la couette pour les vendre directement aux sites spécialisés dans la pornographie. Il ne filme pas non plus ses crises de nerfs quotidiennes, ni les insultes qu'il lance à sa femme et à ses enfants. Dommage ! Tout ça aurait pu bien faire le buzz car bien d'autres maris et bien d'autres femmes aimeraient voir les scènes qui reflètent fidèlement leur quotidien.  Les enfants aussi. Ils ne veulent pas être les seuls qualifiés de "nuls" et pire encore de "ratés" ou de "transsexuels". C'est une vie où les actes obscènes et cyniques sont monnaie courante...Quelle vie! Quel peuple!